Réfugiés dans l’espace public

Réfugié.e.s dans l’espace public : quid de la liberté de mouvement ?

Ateliers et table ronde organisés
par la Coordination asile.ge

Genève, salle du Faubourg, mardi 3 octobre 2017

 

COMPTE RENDU ET RESUME DES ATELIERS DE L’APRES-MIDI

 

Programme

 

14h – 18h : Formation et ateliers

Intervenantes :

Dr Gabriela Medici

Co-auteure de l’avis de droit Requérants d’asile dans l’espace public mandaté par la Commission fédérale contre le racisme auprès du Centre de compétence sur les droits humains de l’Université de Zürich (2017)

Karine Povlakic

Juriste au Service d’aide juridique aux exilé-e-s[1]

Séverine Vitali

Membre de Solinetz Zürich[2]

Présentation introductives par les trois intervenantes, suivies de deux ateliers proposés en parallèle, à choix, sur les thèmes suivants :

La restructuration du domaine de l’asile et les centres fédéraux

Les assignations à résidence et autres pratiques cantonales

 

20h-22h : Table ronde publique

Avec :

Dr Gabriela Medici 

Co-auteure de l’avis de droit Requérants d’asile dans l’espace public

Jean-Pierre Restellini

Ancien président de la Commission fédérale de prévention de la torture

Vithyaah Subramaniam

Directrice de la Plateforme « Société civile dans les centres fédéraux d’asile »

Présentations introductives

Gabriela Medici   

Elle présente pour commencer le contexte qui a mené la Commission Fédérale contre le racisme (CFR) à demander l’avis de droit : par le passé la liberté de mouvement des requérants d’asile (RA) a été restreinte à plusieurs reprises (par exemple à Bremgarten, mais aussi Birmensdorf (ZH) où la commune a construit un chemin dans la forêt pour que les requérants d’asile ne traversent pas un quartier résidentiel).

But de la recherche: analyser quelles restrictions sont contraires à la constitution? Quid de l’égalité de traitement?

 

Limites de l’étude

  • Il s’agit d’une approche uniquement théorique
  • Elle porte sur les procédures d’asile en cours et non sur la restructuration
  • Difficulté de définir juridiquement la notion d’espace public. Définition juridique d’espace public retenue: espace accessible en tout temps au public et utilisable sans conditions et la majorité du temps se trouvant à ciel ouvert.
  • Les atteintes à d’autres droits fondamentaux ne sont pas couvertes par l’avis de droit (notamment le respect de la vie familiale ou de la liberté de religion).

Bases légales

Les personnes demandant l’asile ont le droit de séjourner en Suisse jusqu’à la fin de la procédure. Dans l’attente de la décision des autorités, les bases légales qui définissent la marge de mouvement des requérant.e.s d’asile sont les suivantes :

  1. Règlements relatifs à l’hébergement où ils sont assignés (centres gérés par la Confédération, art. 11 O-DFJP, et les centres cantonaux). La possibilité d’accéder à l’espace public se limite à des heures de la journée dans lesquelles ils ont droit de sortir de leur centre. Les centres fédéraux sont régis par l’Ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile. Concernant les centres cantonaux, la situation est plus floue, car souvent les règlements internes ne sont pas homogènes et sont difficilement accessibles au grand public.
  2. Les assignations à un lieu de résidence et interdiction de pénétrer dans une région déterminée selon art. 74 LETr.
  3. Les lois cantonales de la police (interdictions de périmètre). Il ne s’agit pas des mesures collectives, mais de mesures individuelles visant des personnes précises qui, en théorie, menacent la sécurité publique.

Liberté de mouvement

La liberté de mouvement est le droit de se déplacer librement, un droit protégé par la Constitution et garanti pour tout être humain en Suisse, sans distinction de statut (art. 10, al. 2 Cst). Il n’est cependant pas considéré comme un droit absolu et la liberté de mouvement peut être restreinte, sous certains conditions (art. 36 Cst), soit si:

  • il y a une base légale
  • il y a un intérêt général
  • cela est proportionné au but visé

Résultats

Concernant les couvre-feux et horaires de sortie des centres d’hébergement:

  • dans les centres fédéraux il y a une base légale (Ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile). Au niveau cantonal, il n’y a par contre pas des bases légales qui réglementent des heures de sortie, de présence, etc. La restriction de la liberté de mouvement liée aux horaires de ces centres n’est donc pas justifiée légalement.
  • On peut s’interroger sur l’intérêt public qui dicterait les couvre-feux et les obligations de présence. Les autorités les justifient pour assurer le bon fonctionnement des centres et la garantie des procédures d’asile en cours, mais s’agit-il de mesures proportionnelles?
  • Proportionnalité? Le Tribunal fédéral ne s’est pas encore prononcé sur la proportionnalité de ces règles, mais de plus en plus la doctrine formule des doutes sur ce point.

Concernant les assignations territoriales et les interdictions de périmètre :

  • Quelle base légale? D’après le Tribunal fédéral, la base légale est suffisante. Cependant, la doctrine émet plus de doutes, on met notamment en avant le fait que la base légale est floue. Attention: il ne s’agit pas d’une base légale pour des mesures collectives, mais uniquement individuelles.
  • On peut également s’interroger sur l’intérêt public qui dicterait ces mesures.
  • Proportionnalité? Les restrictions collectives violent le principe de proportionnalité.

 

Conclusion 

Les horaires avec obligation de présence dans les centres sont des violations. Les restrictions ne doivent pas être collectives mais fondées sur des menaces concrètes.

 

Karine Povlakic (sur les Centre fédéraux)

Karine Povlakic souligne le contrôle total de l’autorité sur les personnes hébergées dans les Centres fédéraux d’hébergement des requérant.e.s d’asile. Ce contrôle concerne les instructions de conduite, les moyens de communication, les moyens financiers, bref l’ensemble de la vie privée des personnes. Les sanctions, sans bases légales, sont données par oral, sans critères précis. Rapport de force déséquilibré, l’intervenante rappelle ici l’importance de la mobilisation de la société civile qui peut inverser les tendances. Il faut que la société civile s’implique, et qu’elle puisse avoir une influence, l’intervenante assure que son action est utile. Qu’il s’agisse de lettres de soutiens, de lettres ouvertes aux médias ou autres, toutes les actions sont un grain de sable supplémentaire et précieux dans les rouages d’un système trop bien huilé. Les juristes peuvent également s’en servir pour appuyer des recours.

 

Dans les centres fédéraux :

  1. Les personnes sont fouillées
  2. Leurs biens sont saisis (argent, sauf sommes inférieures à 1000 CHF. Les téléphones portables sont saisis, les personnes n’ont donc pas de possibilité de donner des nouvelles à leurs proches)
  3. Les requérant.e.s sont attribué.e.s à des dortoirs (16-32 personnes sur des lits de 80 cm de large, collés 2 à 2. Les autorités décident par exemple pour les personnes si elles doivent dormir en haut ou en bas dans les lits superposés.)
  4. La nourriture est très répétitive, il faut faire la queue avec un plateau-repas, la nourriture n’est pas adaptée pour les enfants.
  5. Bruit ambiant important, aucun espace de vie privée, les agents de sécurité sillonnent l’espace
  6. Pas d’activité proposée, particulièrement pour les enfants qui se trouvent ainsi désœuvrés

 

Dans les centres, l’autorité exerce donc des contrôles multiples sur les corps des personnes requérantes, jusque dans la vie intime, et sanctionne les personnes qui enfreignent les règles. Contrôle de la discipline et de la morale, tout est contrôlé par le biais de fiches de sanctions des comportements déviants : chaque événement est fiché, tout est répertorié. L’autorité porte ainsi des jugements de valeur sur les comportements et les personnes.

 

Comment l’autorité légitime ce contrôle et ces sanctions? Quels sont les moyens que les personnes ont de se protéger? Les autorités contrôlent tout, y compris le droit, qui lui sert à asseoir son pouvoir. La loi devient donc l’instrument par lequel l’autorité justifie l’exercice de son pouvoir. Le SEM a le droit de discipliner des gens, car le TF l’a écrit et c’est écrit dans le droit. Or, des lois qui ne protègent pas la liberté, ni la dignité ou l’autonomie des individus ne sont pas des lois démocratiques. La LAsi est une loi discriminatoire, elle confère du pouvoir uniquement à l’autorité, même si elle a été adoptée sous des formes démocratiques. Quid de l’égalité des êtres humains en dignité?

Exemple: Le droit à une assistance juridique gratuite (qui a été votée lors du référendum sur l’asile), représente un transfert de ce droit de la société civile vers une assistance juridique sous le contrôle du SEM et des exigences fixées par l’autorité juridique. L’intervenante souligne que le peuple a perdu la maîtrise du bien-être démocratique. Aucun moyen démocratique n’a par exemple réussi à protéger des personnes renvoyées dans le cadre du Règlement Dublin ni n’a réussi à protéger les personnes renvoyées contre une agression ou contre l’état d’abandon (atteinte gravissime aux droits fondamentaux).

 

L’action politique doit lutter pour le contrôle de la loi à tous les stades de sa création et de son application. Il faut mener une lutte pour rétablir un équilibre démocratique des rapports de force pour que toutes les parties intéressées puissent partager le contrôle de la loi de manière équilibrée et proportionnelle.

 


 

Séverine Vitali

Présentation de Solinetz (www.solinetz-zh.ch): Association fondée en 2009, dans le but d’améliorer le quotidien des personnes ayant cherché refuge à Zürich. En 2015, l’association compte 150 bénévoles. Un an plus tard, 670 bénévoles en font partie et soutiennent 56 projets.

 

A partir de l’été 2016, les assignations à résidence ont remplacé le « giro » (aussi appelé « dynamisation » ou « les 7 jours », il s’agit d’un système qui attribue tous les 7 jours les jeunes hommes déboutés à un nouveau centre et les force ainsi à se déplacer chaque semaine). A partir de cette période, Zürich connait une forte augmentation des assignations à résidence, qui sont utilisées très régulièrement. Avec ce système, les personnes n’ont pas de possibilité de quitter la limite de la commune dans laquelle elles ont été assignées, sinon dépôt de plainte pénale par les autorités.

 

L’objectif affiché par Mario Fehr (Conseiller d’Etat socialiste en charge de l’asile) est de réduire le nombre de personnes à l’aide d’urgence. L’Office des migrations prononce l’assignation, et les services sociaux attribuent la personne à un lieu (responsabilité partagée/diluée). Quelques chiffres : 444 assignations prononcées depuis janvier 2016, environ 161 recours dont 48 partiellement acceptés, 23 totalement acceptés et 2 recours du SEM au TF. Souvent ce n’est pas sur le principe de proportionnalité ni sur l’intérêt public (qui est admis), mais sur le manque de base légale que sont contestées les assignations. Le constat est que l’effet contraignant et dissuasif de ces assignations fonctionne, car souvent les gens quittent la Suisse. Effectif des personnes à l’aide d’urgence à Zürich : en 2012: 1476, en 2015: 781, en 2016: 672, en mars 2017 : 658, et en septembre 2017 : 589.

 

En conclusion, le nombre de personnes à l’aide d’urgence a effectivement diminué à Zürich. Depuis le début des recours, il n’y a plus eu d’assignation à résidence prononcée contre des personnes auxquelles aucun autre délit n’était reproché. Mais depuis début 2017, la libération des personnes en détention administrative est systématiquement assortie d’une assignation à résidence. Quelques exemples illustrant les absurdités provoquées par ce système : a) Un père de famille est assigné à Dietikon où vivent sa femme et son enfant. Il est cependant envoyé au centre pour requérants déboutés Rohr/Kloten. Il se trouve donc obligé de vivre à Kloten, mais est assigné à Dietikon. L’office des migrations s’est engagé à lui adresser prochainement une nouvelle assignation pour Kloten. b) Un Algérien est arrêté par les gardes-frontières suisses avec un document lui ordonnant de quitter le territoire suisse avant une certaine date, et une assignation lui interdisant de quitter Kloten. c) Une jeune Tibétaine, assignée au canton d’Argovie, est arrêtée à Zürich en 2016 et se voit condamnée à plus de 3000 CHF de peine pécuniaire avec sursis. Elle est arrêtée une deuxième fois en 2017, lorsqu’elle se rendait à Zürich pour s’occuper du bébé d’une amie en dépression. Elle écope de plus de 80 jours de peine privative de liberté ainsi que de 3000 CHF d’amende (qui seront exécutés en prison puisqu’elle n’a pas d’argent).

 

Atelier sur les centres fédéraux

 

Restructuration de l’asile (Aldo Brina) :

Un mot sur l’avenir de cette thématique avec la restructuration de l’asile à venir. Les demandeurs d’asile pourront désormais être hébergés jusqu’à 140 jours dans un centre fédéral (et prolongation possible pour un délai « raisonnable »). La durée en centre fédéral n’a cessé de s’allonger : 60 jours en 2006, 90 jours actuellement, 140 jours dans le futur.

C’est l’ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des centres qui réglemente la liberté de mouvement dans les centres fédéraux. Cette ordonnance n’a pas encore fait l’objet de modifications en vue de la restructuration. Mais selon une information transmise par le SEM, un projet sera soumis à consultation fin 2017. Les associations ont adressé un certain nombre de demandes au SEM, basées notamment sur l’avis de droit de la CFR, mais ces démarches ont rencontré peu d’écho auprès du SEM. Pour le SEM les requérant.e.s doivent être à sa disposition pour les étapes de la procédure. Par ailleurs, le SEM argumente qu’il doit rassurer les communes par des mesures impactant directement la liberté de mouvement des demandeurs d’asile. L’argument est le suivant : les autorités n’arriveraient pas à trouver des emplacements si les règles ne sont pas strictes. Selon le SEM, la restriction de la liberté de mouvement des requérant.e.s est liée aux exigences des communes où s’installent les centres, qui demanderaient des centres les plus fermés possible (dires du SEM à confirmer).

 

Les ordonnances qui sont actuellement soumises à consultation touchent à la liberté de mouvement en ce sens qu’elles précisent ce que sont les centres spécifiques, ces fameux centres auxquels devraient être assignés les requérants d’asile jugés « récalcitrants » (art. 15 projet d’ordonnance sur l’asile 1). Cette assignation s’accompagne systématiquement d’une assignation territoriale et/ou d’une exclusion de certains périmètres. La possibilité de recours contre une telle assignation est limitée : le demandeur d’asile ne peut contester son assignation qu’au moment du recours sur sa décision d’asile. Ce sera donc bien après l’assignation dans la plupart des cas. Ce n’est plus seulement le responsable du centre fédéral qui peut décider de l’assignation à un centre spécifique, mais également ses collaborateurs. Enfin le comportement qui cause l’assignation n’a plus besoin d’être répété, un seul mauvais comportement peut suffire.

 

Démarches juridiques possibles (Karine Povlakic):

La marge de manœuvre juridique est faible, le TAF ne considère pas comme un problème les restrictions à la liberté de mouvement. Les recours sont quasiment voués à l’échec, ce qui entraine un épuisement moral et une surcharge de travail pour les mandataires juridiques. D’où l’importance du réseau, de se transmettre des informations et de se soutenir.

Quid des centres dans des régions où les structures de soutien n’existent pas ? Pour ces centres, la défense juridique prévue dans le cadre de la restructuration de la LAsi pourrait être un élément positif ? Crainte du manque d’indépendance.

Vie quotidienne dans les centres. Est-il possible d’atteindre un bon vivre ensemble sans édicter de règles ?

Ce n’est pas une question de règles, mais plutôt d’aménagement spatial dans les centres. Dans les centres, des aménagements pourraient être faits pour des meilleures conditions de vie. L’espace devrait être construit, aménagé afin de mieux respecter l’intimité des personnes, et notamment leur garantir un meilleur repos. Face aux problèmes constatés dans l’accompagnement des enfants et dans l’accès aux soins, il est souligné que les centres devraient garantir un certain accompagnement pour les enfants, ainsi qu’un véritable accès aux soins médicaux pour tous et toutes.

Localisation des centres. L’isolement dans les centres fédéraux a été pensé pour garantir l’exécution du renvoi. Mais cet isolement dans les centres en fait des zones de discrimination où les requérant.e.s sont exposé.e.s à des situations de violences et de privation potentielle de leurs droits. Une discrimination qui s’illustre dans l’impossibilité pratique et juridique de faire valoir ses droits. De plus, les emplacements des centres sont inappropriés, ils placent trop de personnes requérantes dans des communes trop petites. Les centres devraient être en ville.

Moyens d’action. Recours CEDH ? Possible mais procédure très longue et crainte des personnes concernées, difficile de convaincre les mandataires d’aller à la CEDH. La liberté de mouvement est dans le protocole 4 de la CEDH, qui n’a pas été signé par la Suisse. Dans la ConvEDH il y a la question de la privation de liberté. L’avis de droit de la CFR est également un outil pour les recours. L’intervenante souligne que les lettres de soutien écrites par des personnes en contact avec les requérant.e.s servent pour appuyer les recours!

 

Importance de la société civile (Vithyaah Subramaniam)

Après la restructuration, on ne sait pas quel sera l’accès aux centres. Or, l’importance de la présence de la société civile est primordiale, que ce soit pour l’aspect humain, mais aussi parce que les recours peuvent être alimentés avec les lettres de soutien, les avis médicaux, etc.

Ce sont des luttes à mener dans les communes pour garantir l’accès de la société civile aux centres. Est mentionné l’exemple de Berne où le Conseil communal a porté la voix de la société civile qui s’était mobilisée. En l’occurrence, d’autres facteurs avaient aussi aidé, notamment l’implication personnelle des directeurs des centres et la localisation de ces derniers qui se trouvaient proches de la ville de Berne.

Il y a toujours des personnes-clé dans les régions et la possibilité de créer un réseau de soutien. Quand l’implantation d’un centre se concrétise, il y a des discussions, et la possibilité qu’un réseau de soutien se crée. Il est important d’impliquer les acteurs de différents milieux, notamment au niveau des communes, de l’administration du canton, des habitants, des associations, etc.

Informer et récolter des cas concrets qui serviront de base pour les revendications. C’est le moment de se mettre en réseau et de rendre visible la situation !

 

 

ATELIER SUR LES PRATIQUES CANTONALES : ASSIGNATIONS A TERRITOIRE ET INTERDICTIONS DE PERIMETRES

 

Cet atelier a abordé les pratiques cantonales en matière de restriction de liberté de mouvement des personnes demandeuses d’asile en Suisse. Il a principalement été question d’assignations à territoire et d’interdictions de périmètre réglés par les articles 74 et 119 de la Loi sur les étrangers (LEtr), ainsi que par les différentes lois d’application cantonales.

 

Un premier tour de table a permis aux participant-e-s de se présenter et de faire ainsi une triangulation des pratiques, diversifiées selon les cantons. Il est ainsi ressorti certaines tendances :

 

  • A Genève, les interdictions de périmètres sont plus usitées que les assignations à résidence. Elles concernent principalement les personnes déboutées avec comme objectif et discours premier la lutte contre le trafic de drogue, dans une perspective sécuritaire, et moins le renvoi comme dans d’autre cantons. Pour cela, c’est la détention qui est davantage utilisée. A noter que lors d’interdiction de périmètre, des dérogations peuvent être délivrées, pour se rendre chez un médecin, un conseiller juridique ou à un rendez-vous administratif, mais pas nécessairement pour des visites plus personnelles.
  • Dans le canton de Vaud, ce sont les assignations à résidence qui sont fréquentes, en vue du renvoi. Elle s’adresse aux personnes déboutées en général, avec un accent particulier sur les personnes ayant reçu une décision de NEM Dublin, depuis 2016. Celles-ci étaient prononcées par le juge de paix et maintenant par le SPOP lui-même. L’assignation est généralement effective entre 22h et 7h du matin. On peut lire l’adoption de cette pratique comme réaction, comme « contre-offensive » au Refuge et au Collectif R. En effet, celui-ci n’étant pas considéré comme lieu de résidence officiel, les personnes qui s’y réfugient encourent les sanctions pénales liées à une assignation (3000 CHF d’amende/30 jours de prison). Ont également été évoqués les cas d’assignations à résidence au Sleep-in, qui posent passablement de problèmes, puisque les personnes doivent demander pour pouvoir y dormir. Le seul recours qui a fonctionné contre les assignations à résidence était un cas d’une femme enceinte de 8 mois et demi.
  • Dans le canton de Zürich, pour les cas Dublin, c’est la détention qui est davantage utilisée (de manière quasi automatique). Les assignations à résidence, elles, concernent les autres personnes déboutées et ont pour objectif la surveillance des personnes en vue du renvoi, et, dans ce sens, ont remplacé le « giro » à partir de 2016. Celles-ci ont pu durer jusqu’à deux ans pour certaines personnes. Un-e participant-e suggère que cette pratique a certes un objectif affiché de renvoi, mais remplit aussi une fonction implicite de décourager les personnes pour les pousser dans la clandestinité. Les interdictions de périmètre sont moins fréquentes.

 

Une des premières interrogations qui est ressortie de ce tour de table, est celle de savoir si l’assignation à résidence est préférable à la détention. La réponse dépend surtout des cas particuliers, et dans certains cas, il est sûr que l’assignation est moins sévère, peut-être moins stressante et laisse une certaine marge de manœuvre aux personnes. Mais plusieurs participants ont relevé la difficulté de défendre une gradation au niveau politique, où il est préférable de s’opposer à toute forme de restriction de la liberté de mouvement.

 

L’atelier a également permis de distinguer ces deux formes de restriction de la liberté de mouvement des « pratiques informelles d’assignation à résidence» ou « pratiques informelles d’interdiction de périmètre ». Ont ainsi été mentionnés :

  • Le fait que les personnes doivent se rendre régulièrement dans les foyers ou abris de la protection civile, au risque de sortir du système en étant déclarés disparus ou de voir leurs droits réduits.
  • Les interdictions non officielles d’accéder à certains lieux, mais ordonnées par différents acteurs administratifs, tels que les intendants des foyers, comme cela a été le cas à Genève où un intendant avait demandé aux requérants d’asile de ne pas se rendre dans un parc voisin.
  • On ne doit pas oublier dans ce registre de « pratiques informelles », la question de l’accès à l’espace publique et à certains lieux pour les femmes et les personnes LGBTI, ainsi que la problématique des contrôles au faciès dans certaines zones des centres urbains.

 

Il a aussi encore été question dans cet atelier de restrictions plus « larges », qui ne doivent pas être oubliées lorsqu’on parle de restrictions de mouvement : les requérant-e-s d’asile n’ont ainsi pas le choix du canton, ni de la ville, ni du foyer dans lequel elles et ils résident.

 

Enfin, concernant les pistes d’actions possibles, ont été soulevées :

  • Au niveau juridique : la nécessité de demander et d’obtenir des décisions écrites et motivées pour toute restriction de la liberté de mouvement. Les pratiques actuelles sont généralement floues et les incertitudes sont extrêmement courantes. Une décision écrite permet non seulement de connaître la base juridique sur laquelle s’appuie telle ou telle décision, mais d’aborder également la question de la compétence de l’autorité ordonnant la restriction. Un-e participant-e relève ainsi que le flou qui entoure ce type de pratiques n’est pas fortuit : il a pour effet de maintenir les personnes dans l’incertitude et permet d’exercer un plus grand contrôle sur elles, en ne leur offrant aucune prise à la contestation.
  • La nécessité de partager, au sein et entre les cantons, les décisions et les recours effectués en la matière entre les différentes associations et acteurs de la défenses juridique des personnes.
  • La volonté d’obtenir plus de transparence en ce qui concerne les accords et contrats liant la Confédération et les cantons ou communes, et/ou les cantons et les institutions, étatiques ou non-étatiques, chargées de l’hébergement et de la prise en charge des personnes.
  • Au niveau politique : la nécessité de mettre en place des actions ayant pour objectif de visibiliser les lieux interdits comme les lieux de l’assignation. A aussi été soulevée la volonté de créer du lien, de faire se rencontrer les gens et les mondes, par-delà les lignes tracées par les assignations et les interdictions. Le fait de rencontrer les personnes est souvent difficile, que ce soit parce qu’une autorisation doit être demandée pour les visites, que celles-ci sont tout simplement interdites (abris PC à Genève) ou que les personnes doivent demander une autorisation, très souvent refusée, pour quitter le lieu où elles ont été assignées.
  • La possibilité de déclarer des « villes sanctuaires », depuis lesquelles les renvois ne sont pas exécutés, comme certaines aux Etats-Unis, a également été soulevées, malgré la mise en garde de plusieurs participants de ne pas tomber dans l’écueil d’un discours creux et d’une glorification politique sans retombée concrète pour les personnes.
  • Enfin, les participants ont insisté sur la nécessité d’une information du public précise et dénuée d’idées reçues.

 

Pour le comité d’organisation de l’évènement : Anouk, Camille, Raphaël, Mélissa. 7 décembre 2017

[1] Auteure notamment d’un récent article sur le cas d’une assignation prolongée au-delà du délai légal au centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe

[2] Active dans les démarches entreprises contre les assignations à territoire promulguées à l’encontre de demandeurs d’asile déboutés dans le canton de Zürich

19 ch. de Villars

CH-1203 Genève

 

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